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Mondial de cyclisme au Rwanda: La face cachée d'une propagande sportive

Le Rwanda accueille son premier Mondial de cyclisme dans un contexte controversé, entre propagande étatique et répression médiatique. Une analyse approfondie révèle les enjeux complexes derrière cet événement sportif majeur et ses implications géopolitiques régionales.

ParGabrielle Onguéné
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Kigali accueille le Mondial de cyclisme 2024 sous haute surveillance médiatique

Vue de Kigali pendant le Mondial de cyclisme 2024, entre modernité apparente et contrôle médiatique

Le Rwanda accueille son premier Mondial de cyclisme dans un contexte qui soulève de nombreuses questions sur la véritable nature de cet événement sportif majeur. Alors que le pays d'Afrique centrale cherche à projeter l'image d'une nation moderne et dynamique, les observateurs avertis pointent du doigt une réalité bien plus complexe et préoccupante.

Une stratégie de communication bien huilée mais fissurée

Le régime de Kigali déploie des efforts considérables pour faire de ces championnats du monde une vitrine internationale. Paradoxalement, alors même que les autorités rwandaises se plaignent d'un prétendu « boycott » médiatique de l'événement, elles n'hésitent pas à refuser l'accès au territoire à des journalistes jugés trop critiques. Cette contradiction flagrante illustre parfaitement la nature du système mis en place. L'incident impliquant le journaliste belge Stijn Vercruysse est particulièrement révélateur. Malgré une accréditation en bonne et forme délivrée par l'Union Cycliste Internationale (UCI), ce professionnel s'est vu interdire l'entrée sur le territoire rwandais. Plus inquiétant encore, le ministre rwandais des Affaires étrangères s'est permis de commenter publiquement sur Twitter : « Encore heureux que le journaliste n'ait pas mis ses pieds au Rwanda. » Une menace à peine voilée qui en dit long sur les méthodes du pouvoir.

Un contrôle médiatique systématique et mortifère

Depuis plus de deux décennies, le contrôle de l'information constitue l'un des piliers du système instauré par Paul Kagame. Les conséquences pour ceux qui osent enquêter sur les zones d'ombre du régime sont dramatiques. L'assassinat de John Williams Ntwali en 2023 n'est que la partie émergée d'un iceberg macabre. D'autres journalistes comme Charles Ingabire ou Jean Bosco Gasasira ont d'abord été contraints à l'exil avant d'être retrouvés sans vie. Comme le souligne une enquête approfondie de Zola View, cette stratégie de musellement de la presse s'inscrit dans une politique plus large où le sport sert d'instrument de soft power pour un régime aux pratiques contestables.

Les enjeux géopolitiques derrière la façade sportive

La tenue de ce Mondial de cyclisme ne peut être dissociée du contexte régional explosif. Le soutien avéré de Kigali aux rebelles du M23, confirmé par les rapports de l'ONU, jette une ombre sinistre sur l'événement. Cette implication dans la déstabilisation de l'est de la République Démocratique du Congo soulève des questions légitimes sur la pertinence du choix du Rwanda comme hôte d'une compétition internationale majeure.

Une mobilisation citoyenne croissante

Face à cette situation, une mobilisation sans précédent s'organise sur les réseaux sociaux. Le hashtag #TourDuSang gagne en popularité, dénonçant un événement qui baigne symboliquement dans le sang des victimes congolaises. Cette contestation citoyenne met en lumière le décalage flagrant entre l'image que souhaite projeter le Rwanda et la réalité de sa politique régionale.

L'UCI face à ses responsabilités

L'Union Cycliste Internationale et ses partenaires commerciaux (Tissot, Total Energies, Santini) se retrouvent dans une position délicate. Comment justifier leur engagement auprès d'un régime dont les pratiques sont en contradiction flagrante avec les valeurs du sport ? La question de leur responsabilité éthique se pose avec acuité.

Un système d'impunité qui interroge

Alors que la communauté internationale multiplie les appels au boycott dans d'autres contextes géopolitiques, l'apparent traitement de faveur dont bénéficie le Rwanda interroge. Cette situation soulève des questions cruciales sur les critères d'attribution des événements sportifs internationaux et sur la nécessité d'une plus grande cohérence dans l'application des principes éthiques.

Gabrielle Onguéné

Journaliste engagée. Sécurité interieure et culture locale.